introduction

Jean-Pierre Ghysels, sculpteur

 

JEAN-PIERRE GHYSELS

UNE ESTHÉTIQUE DE L'ESPACE

 

Jean-Pierre Van Tieghem

 

Des formes qui existent et ne parodient aucun langage mais invitent à un jeu de silhouettes loin des multiples voies qui font rêver à la vie, à la mort, à un quelconque événement, mais des formes qui risquent aussi leur propre sens, celui d’un homme, d’un artiste – Jean-Pierre Ghysels. Sculpteur à partir de l’argile jusqu’au bronze, orfèvre voyageur à la recherche de ses pairs, sages et sorciers, qui connaissent la mise au monde par l’incandescence, il s’est mis à l’abri de ce qu’il fait, de ses espaces d’idées. Il s’est réfugié à l’intérieur.

 

Il pense la femme dans ses différences à elle et à lui. Une séduction vient de loin comme un chant et un charme. Elle est bien ailleurs, peu reconnaissable, comme toutes ensemble, sculptées dans l’imaginaire, dans une fiction du monde, afin d’y croire, de l’éprouver dans cette distance. Rien ne permet de l’approcher simplement. Attendre est à propos. Attendre dans le silence, les yeux éveillés du réveil, disponibles dès le premier instant entre la forme et l’espace, en quête d’une ouverture, celle qui convient le mieux, mieux encore que celle d’à côté ou l’autre qui est plus loin.

 

S’agit-il vraiment d’une femme ? Rien ne permet de le confirmer, pas le moindre détail. Parce qu’il n’y a pas de détails dans les sculptures de Jean-Pierre Ghysels. Ils sont en transformation et simplement invisibles, enveloppés dans leurs discrétions, dans leurs conversations feutrées dont on ne connaît pas vraiment les retombées.

 

Les rencontres peuvent se faire dans un lieu où les rêves se confondent à des réalités surprenantes : Narcisse dans l’eau d’une fontaine, le narguilé dans un bain turc, la salle hypostyle d’un temple égyptien, le panthéon des dieux, un péristyle en terre battue, l’observatoire astronomique de Jaipur... Les sculptures ne répondent à aucun lieu, mais elles l’habitent, se fondent avec lui dans son espace, l’attirent et lui parlent. Elles ne donnent pas ce qui est beau mais elles l’accordent. Elles l’engloutissent, envoilées dans un fond sans fin avec tout ce qui est essentiel, ses identités. Elles se laissent précipiter à leur perte. La distance se distancie et le loin s’éloigne. [...]

 

JEAN-PIERRE GHYSELS

THE BEAUTY OF SPACE

 

Jean-Pierre Van Tieghem

 

Shapes that exist and parody no language but invite us to enjoy the play of silhouettes, far removed from paths that make us dream of life, death or some event, but forms which also risk their own meaning, that of a man, an artist, Jean-Pierre Ghysels. A sculptor in clay to bronze, an itinerant goldsmith looking for his peers, wise men and witchdoctors who know about birthing through incandescence, he shelters behind what he does, in the space of his ideas. He has taken refuge inside them.

 

He conceives of a woman in the way she differs from him. Seduction coming from far away like a chant and a charm. She is indeed elsewhere, scarcely recognisable, like all women together, sculpted in imagination, in a fictive world, in order to believe in her and experience her in her remoteness. There is no easy approach. The thing to do is to wait. Wait in silence, wakeful and alert, watching for an opening between form and space, the most appropriate opening, even better than the one close by or another further off.

 

Is it really a woman? There is nothing to prove it, not the least detail. For there are no details in Jean-Pierre Ghysels’ sculptures. They are in the throes of transformation and simply not visible, wrapped in discretion, in their muted conversations that we do not fully grasp.

 

Encounters can happen in a place where dreams merge with surprising realities: Narcissus in the water of the spring, a hookah in a Turkish bath, the hypostyle room of an Egyptian temple, the pantheon of the gods, a peristyle of packed earth, the Jaipur astronomical observatory ... The sculptures do not respond to a place, but dwell in it, blend into its space, attract it and talk with it. They do not give beauty but allow it to be. They engulf it, they are warped into an endless depth with its very essence. They let themselves be swept away. Distance becomes remote and the faraway draws farther away. [...]